Pure fm, le jour d’après – good music makes good people…

Eté 2012 Une dernière photo d’équipe avant le vent du changement

Eté 2012 Une dernière photo d’équipe avant le vent du changement

Où sont passées les sirènes, au final j’crois que j’me suis fait bouffer par le système 1

Née en 2004 sur les cendres Radio 21, la radio qui respire (premier slogan) se voulait branchée, défricheuse de talents sinon avant-gardiste. Bref, à défaut d’être vraiment alternative, la ligne de conduite était bien de présenter une couleur musicale décalée peu en rapport avec l’encombrement répétitif en vigueur partout ailleurs.

Radio formatée, forcément formatée, mais différemment. Good music makes good people, le slogan emblématique (flirtant entre arrogance et second degré) annonçant l’ambition. Oui mais ça, c’était avant, la station ayant discrètement annoncé revoir ses ambitions à la baisse pour la rentrée de septembre.

Parce que voilà, Pure a un problème. Initialement destinée aux jeunes, les sondages et autres études millimétrées ont démontré que la moyenne d’âge de l’auditeur avait tendance à augmenter pour s’élever désormais à 39 ans. Un truc de vieux donc, déserté par les amateurs de hits music only. 

Solution toute trouvée pour adapter la grille censée séduire un public plus jeune : plus de musique commerciale et d’humour (source tuner.be)

Avec une audience réduite de 25% sur moins d’un an, la rentrée verserait dans le lol ou ne serait pas.

J’ai la chanteuse du moment en featuring, y a deux ans je l’aurais sûrement insultée au fil d’une rime 2

Signe de la morosité ambiante, un virage spectaculaire a été amorcé dès juillet, sans doute en guise de test avant la rentrée. Premières réactions? Gronde des auditeurs peu enclins à supporter ce matraquage musical régressif.

Plus encore que le tube international Call me maybe de Carly Rae Jepsen, le symbole désigné et évident de la majorité non silencieuse : La terre est ronde de Orelsan. C’est sur cette ode à la pantoufle 3  que s’est focalisée la haine du changement. Consciente d’être allée trop loin (trop tôt?), la direction s’est rapidement ravisée et la playlist a été réadaptée dès septembre.

Limiter Orelsan au paresseux La Terre est ronde : Mauvaise idée!

Suicide Social est là pour démontrer l’étendue du talent du Monsieur

 

Mes potes disent que je change, moi je dis que j’évolue 4

Alors, Pure fm, c’était mieux avant? Oui et non. Réponse de normand, comme Orelsan. Passée sa réputation sulfureuse (sale pute, c’était lui) et injustifiée (parfois digne des années 90), le rappeur de Caen dispose de multiples facettes. Outre les titres faciles pour midinettes, nombre de morceaux révèlent un artiste tantôt sombre, tantôt joueur. Cynique, drôle, désenchanté… un véritable adulescent dans un monde de brutes.

Parmi les principaux changements de la grille de rentrée, on notera : exit Jacques De Pierpont et son Rock Show, sacrifice inopiné et révélateur d’un personnage historique ; disparition des Myriam Leroy n’aime pas, jugés trop caustiques (et c’est bien dommage); adieu les nouveautés musicales un peu plus pointues en journée. Snooze, l’émission du petit matin, véritable prime time des radios, s’est quant à elle enrichie de chroniqueurs supplémentaires. Au programme, plus d’humour drôle (?), plus de kdo cadeaux et des anniversaires souhaités en direct. 5

Eclaircie dans la grisaille, la pétillante Maya Cham se voit allouer une heure supplémentaire pour sa Control Room. Au programme, une playlist plus aérée, celle-ci étant choisie par les auditeurs. Concept inoffensif et usé jusqu’à la corde s’il en est mais qui réchauffe un peu en cette rentrée frileuse. Censé être la vitrine musicale de la chaine, Drugstore (le magasine quotidien de découvertes musicales) est lui désormais relégué en deuxième partie de soirée. Etrange conception du service public. 6

Seule rescapée intégrale 7 de cette refonte en douceur, les fameux 5 heures. L’émission cinéma, et mauvaise foi, est intemporelle. Hugues Dayez et Rudy Léonet, incarnations vivantes des Waldorf et Stettler du Muppet Show, restent sans surprise fidèles au poste.

Muppeth Show

Ecouter la radio c’est devenu un supplice, sauf que j’aime pas non plus les putains de puristes 8

A tort ou à raison, Pure fm souffre depuis ses débuts d’une image élitiste. Conséquence logique, elle a toujours peiné à attirer davantage d’auditeurs. Pas simple de positionner une radio généraliste à l’heure du web. On ne peut pourtant nier ses tentatives d’innover, notamment via ses podcasts et la webradio Purefm2. Paradoxe des paradoxes, elle a toujours été très suivie sur internet (tant sur les réseaux sociaux que sur le site officiel) sans que cela ne se traduise au niveau de l’audience.

Mais à quoi peut se résumer la patte Pure fm? Outre sa programmation musicale, la station propose un humour piquant, intelligent, un sens critique, des infos et actualités culturelle intéressantes. Or, ces qualités n’ont pas subitement disparu, elles ne peuvent justifier la perte d’audience de la saison dernière. Tentative de réponse parmi d’autres…

« Je ne connais pas la clef du succès mais celle de l’échec est d’essayer de plaire à tout le monde. » Bill Cosby

Soucieuse d’élargir son public, la ligne éditoriale musicale de la chaine s’est, lentement mais sûrement au fil des années, rapprochée de ses concurrentes privées. Le public de NRJ n’est pas venu (normal, il est content avec NRJ : pourquoi changer de radio?) et le public historique de Pure FM a en partie déserté (normal, s’il est sur Pure FM, c’est qu’il n’aime pas NRJ). CQFD

Raisonnement simpliste, mais non dénué de sens, à l’heure où Pure fm prend le pari du reformatage. Au risque de perdre ses anciens auditeurs, ou du moins ce qu’il en reste.

Les justifications du directeur Rudy Léonet n’incitent en ce sens pas à l’optimisme. Quand 7sur7.be évoque lors d’une interview un éventuel glissement commercial, il déclare : « C’est tout à fait manichéen comme vision. Rien n’est noir ou blanc. Il y a du gris… Tout dépend où on place le curseur. On évolue. On ne peut pas continuer à accompagner l’attente d’auditeurs qui ont vieilli avec la chaîne. »  Les auditeurs visés apprécieront.

La mode actuelle étant à la segmentation à tout va, quid du public qui n’écoute pas Classic 21 (jugé trop vieux) ou Vivacité (jugé pas assez musical, et trop vieux), et qui ne se reconnaît ni dans NRJ ou Contact?

A l’heure où la frontière entre musique commerciale et indé n’a jamais été aussi floue, jeunesse rime-t-elle vraiment avec facilité? Des salles telles que l’Ancienne Belgique, le Cirque Royal, l’Atelier… des festivals comme Werchter, le Pukkelpop… rassemblent un maximum de spectateurs. Mois après mois, années après années,  jeunes et moins jeunes.

Tout se trouve à une portée de clic, on ne doit plus accompagner le public plus exigeant se justifie le patron de Pure. Ce n’est pas important « tout se trouve sur Internet ». Ce n’est pas faux. Mais c’est faire peu de cas de la fonction de journaliste qui a aussi une fonction de tri et de remise en perspective économique, historique, sociologique. A l’heure où la sous culture n’a jamais été aussi présente, la sous-culture doit-elle être traitée superficiellement? Le monde change, la radio aussi. Mais elle continue à s’écouter  dans la voiture et au bureau.

Plus rien ne m’étonne, j’suis plus assez naïf pour avoir un point de vue 9

Redoutée par beaucoup, la rentrée de septembre n’a en définitive pas bouleversé la donne. Pure fm garde, à l’heure actuelle, une certaine spécificité dans le petit monde de la fm francophone. Il n’est pas encore venu le temps de diffuser des ados à mèche rebelle et à l’hygiène capillaire irréprochable. Néanmoins, Il est évident que la chaine est à un tournant. Encore éloignée de la radio au dauphin, mais clairement plus au niveau d’une Stubru. Une Pure light en quelque sorte.

Quel sera le cap pris si les audiences continuent de baisser? La direction cèdera-t-elle définitivement aux sirènes du jeunisme à tout va? On peut le craindre au vu des ambitions actuelles du groupe. Et il n’y a rien de plus pathétique qu’un vieux qui se prend pour un jeune.

La politique générale du service public quant à elle laisse songeur. La RTBF possède cinq (!) stations de radio et diffuse chaque semaine en tv depuis septembre, le top 30… nrj. Et là, tout est dit.

Notes de bas de page

1-2-4. Orelsan : Le chant des sirènes

3. Dixit Xavier Van BuggenHout, animateur sur la chaine

5. comme aux plus grandes heures du Club Dorothée

6. Commentaire repris sur la page facebook de l’émission, liké  par l’animateur lui-même

7. Les émissions de l’après-midi, plastic planet et on n’est pas des anges n’ont pas de changements notables en dehors de la musique. Bang bang, magazine queer consacré aux cultures gay et aux sexualités minoritaires, étant déplacé le vendredi soir. Les gays clubbers écouteront désormais leur émission préférée en podcast

8. Orelsan : Raelsan

9. Orelsan : Plus rien ne m’étonne

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